Les bergers quittèrent la crèche,
presque à regret, mais il fallait reprendre le travail, trouver les brebis, chercher les égarées, reprendre les longues journées de garde et les longues nuits de veille. Mais qu’ont-ils donc vu, ces êtres frustres, plus habitués à supporter la chaleur du jour et la froidure de la nuit qu’à se rassembler ainsi à minuit autour d’un enfant endormi ? Ils avaient pourtant bien chaud au coeur avec le sentiment d’avoir vu quelque chose de beau, quelque chose de grand.
Au début, ils étaient un peu déçus.
L’ange leur avait promis un Sauveur, le Christ, le Seigneur. Ils pensèrent voir un puissant homme de guerre ; c’était un bébé, tellement petit, tellement fragile qu’une mauvaise grippe pouvait l’emporter. Ils s’étaient attendus à entrer dans un palais ; c’était une crèche. Ils craignaient de devoir rencontrer des soldats armés, prêts à reconquérir l’indépendance de la Judée et de la Samarie. Ils n’ont trouvé qu’une femme qui venait d’accoucher et un homme qui s’affairait autour d’elle et leur enfant. Il n’y avait là rien d’exceptionnel.
N’est-ce pas ce que nous vivons, nous aussi, un peu chaque année, lorsque nous célébrons la fête de Noël ? Les vitrines sont toutes illuminées. Elles annoncent de bons repas et de beaux cadeaux. Et nous nous retrouvons parfois seuls, parfois en famille, avec un peu de crainte devant une possible dispute ou un peu d’ennui devant l’effort à fournir : avoir l’air joyeux. La maîtresse de maison s’est activée toute la journée pour préparer quelque chose de bon, mais elle est fatiguée et il ne faut pas l’énerver. Les enfants s’approchent, les plus petits impatients de découvrir les cadeaux, les plus grands déjà plus blasés et, comme toujours, mal dans leur peau.